Sarah Cassenti, l’art Zoom, Jacques Donguy Art Press #520
Sarah Cassenti, l’art Zoom
Texte paru dans la revue “Art Press” à l’initiative de Jacques Donguy, avril 2024. L’art Zoom, ou la naissance d’un nouveau mouvement artistique, un concept que Sarah Cassenti, artiste et d’une famille d’artistes, a créé lors du confinement en 2020, suite à l’épidémie de Covid-19 et à l’annulation de différentes manifestations artistiques, dont Pile ou [frascq], scènes ouvertes à la performance au Générateur, à Gentilly. Comme il y eut l’art vidéo avec l’apparition des premières caméras vidéo portables, il y a, avec les manifestations “Egon.a” de Cassenti, l’art Zoom. Le logiciel Zoom, qui date de 2013, au lieu d’être utilisé pour l’enseignement à distance, pour des conférences entre entreprises ou pour le télétravail, est utilisé ici, par-delà les frontières, par les artistes comme un médium d’écriture et d’invention, un lieu d’expérimentation “live”, soit un nouveau genre artistique initié par Sarah Cassenti. Son but, et là je la cite : « Apporter de la douceur au web, l’imaginer à nouveau comme un espace singulier de pensée poétique et de gestes artistiques. » Et elle évoque des précédents, dont l’artiste Systaime qui se manifeste sur internet depuis les années 1990. Il faut préciser que Sarah Cassenti a déjà tout un parcours artistique derrière elle, d’abord avec les “Nö-actions” (depuis 2002), porté par le groupe des Idiotes, un « duo-du-elle » avec Hélène Defilippi, puis avec les “Nönudes” (depuis 2012), dont le dernier opus a eu lieu le 1er juin 2023 à l’Enseigne des Oudin, à Paris. Son travail, à travers le projet global Corpsétoiles, est mis en forme sur son site internet éponyme (1), soit, pour “Egon.a”, à travers le “live” et le “online live”, « la présence du corps poétique sur la toile ». Les références sont Yves Adrien, Pierre Molinier ou Michel Journiac, avec quelques hommages, notamment à Molinier, au Batofar, où elle est intervenue sur le “dancefloor”.
Egon.a
Pourquoi “Egon.a” ? Egon est le nom d’un volcan en Indonésie, volcan lointain qui symbolise « ces longues éruptions de notre présence corporelle et performative au cours de la nuit, à répétition et en “live” ». Une pratique due au coronavirus, mais ici détournée. Le « .a » d’“Egon.a” ouvre à la féminité, par-delà les genres, « à la question du corps intérieur qui déborde en douceur ». Le premier “Egon.a” s’est tenu le 2 mai 2020, en plein confinement, sous le titre “( on Air ) Désirs continus”. Les 8 autres “Egon.a” ont eu lieu entre 2020 et 2022 avec comme titres, pour le second, « estival·e Désirs continus », pour le troisième « sacré·e », pour le quatrième « De la
neige sur ton visage », pour le cinquième « la Poignée », pour le sixième « Fantasia vitae », pour le septième « Villa des Misteri » et pour le huitième « Deux enfants sous la pluie », avec des artistes français, italiens, allemands, anglais, chinois, américains… Le neuvième se tiendra le 21 avril 2024 de 18h à minuit. La pratique artistique collective de Cassenti fait appel à de nombreuses artistes femmes, dont Maya Arbel, Céline Paul, Soline de Warren, Parya Vatankhah, Karine Wehbé et elle-même. Mais des hommes aussi, bi ou homosexuels, Thomas Laroppe, Pascal le Gallois, Xavier Numa Borloz, Jeffrey Louis-Reed (un musicien). Je cite à nouveau Sarah Cassenti : « La beauté de ce qui se déroule provient directement de l’entente et de la connivence que nous avons entre nous, l’entrée est intime, profonde et singulière… “Egon.a” nous a permis de continuer de construire et de ne rien abandonner pendant cette période aux tournures alarmantes. » L’initiative a été prise sans budget. Pour lepremier “Egon.a” le 2 mai 2020, « 10 artistes se retrouvent entre 8h du soir et 2h du matin, performent des apparitions, des scènes élaborées, des prises de parole, les unes à la suite des autres, séparément et parfois conjointement… “Egon.a” était née, dans le corps, virtuel et vivant, de ce rendez-vous singulier ». “Egon.a”, ce sont 50 artistes et 60 heures de live diffusées à l’international. Et Sarah Cassenti, outre la direction générale de l’événement, intervient à chaque édition par des “live” performatifs de cinq heures, faisant vivre son entité « Bodygirl », c’est-à-dire elle-même, Sarah Cassenti. “Egon.a” est, en soi, un manifeste artistique.
Jacques Donguy

Image en chapeau, Pascal le Gallois, et Sarah Cassenti, Egon.a (2020-2024) .